Médecin en médecine physique et réadaptation, acupuncteur
Médecin rééducateur, le Dr Hector Ruiz se forme à l’acupuncture au cours de son internat en médecine à Nîmes. Cette formation donnée à la faculté se déroule sur trois années universitaire. Par la suite, il exerce l'acupuncture dans le cadre de son assistanat au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Nîmes (département du Gard en région Occitanie) avant de s'installer en cabinet libéral. L'acupuncture fait partie de sa pratique et reste occasionnelle.
Le docteur Hector Ruiz nous partage son expérience de terrain au sujet de l'acupuncture et ses bienfaits.
Pour quelles raisons vous êtes-vous formé en acupuncture ?
Au départ, c'est une anecdote. Lorsque j'étais interne en médecine physique et réadaptation, je suivais les patients douloureux chroniques avec, le plus souvent, des problèmes articulaires. C'est dans le service d'électrophysiologie, géré auparavant par des neuro-anatomistes de la lignée du professeur Jean Bossy, fondateur du DU d’acupuncture du CHU de Nîmes que je découvre l'acupuncture et ses bienfaits.
J'ai été interpellé par les résultats sur une patiente ayant des problèmes cervicaux dont la stimulation par une aiguille d'acupuncture, d'un point situé sur la cheville gauche, l'a soulagé de ses douleurs cervicales.
Ainsi, surpris par le résultat immédiat et intrigué, je me décide à me former pour comprendre ce phénomène. L'acupuncture a été mon point de départ vers la médecine manuelle.
D'après vous, quelles qualités doit avoir un acupuncteur ?
Avant tout un acupuncteur est un soignant à l'écoute du patient. Instaurer une relation de confiance avec son patient par ces qualités humaines est indispensable. Cela remplit une grande partie de l'efficacité de la séance d'acupuncture. Les patients ont besoin d'être pris en compte. D'autres qualités comme l'intérêt pour le toucher des tissus et des structures anatomiques, l'empathie et l'écoute sont essentielles.
Avez-vous un mentor, quelqu’un qui vous inspire dans le domaine de l'acupuncture ?
Les personnes que je considère comme des mentors sont le docteur Javier Burgos, médecin acupuncteur sur Nîmes, grâce à qui j’ai pris goût à l’acupuncture et le docteure Brigitte Dardalhon, médecin acupuncteur au CHU de Nîmes, avec qui j'ai travaillé lorsque j'étais interne et assistant au CHU de Nîmes.
Est-ce important de vous former régulièrement ?
Oui ! Lorsque l'on travaille en cabinet individuel, il est important d'avoir le regard d'autres professionnels et de se confronter à ses propres limites. Je dirai que les formations permettent d'élargir le champ des possibles, changent notre pratique et permettent de faire des rencontres enrichissantes. C'est très stimulant.
Travaillez-vous en réseau ?
Oui et non. Je n'ai pas spécialement de réseau lié à l'acupuncture. La plupart du temps ce sont mes patients car j'utilise l'acupuncture comme un moyen thérapeutique supplémentaire, en fonction des besoins du patient. Mais il m'arrive d'y avoir recours dans le cadre de soins de support pour les patientes atteintes du cancer du sein dans la prise en charge de la douleur, des effets secondaires des traitements, des troubles du sommeil et pour leur moral.
Quelles pathologies traitez-vous en acupuncture et sur lesquelles avez-vous eu des résultats encourageants ?
J'ai eu de bons résultats sur les patientes atteintes du cancer du sein dans le cadre du traitement des effets secondaires des différents traitements tels que la chirurgie, la chimiothérapie, la radiothérapie et l'hormonothérapie.
En ayant pu soulager des douleurs neuropathiques, des vomissements, et les douleurs abdominales et troubles digestifs.
Une de mes expériences les plus marquantes étaient avec une patiente atteinte d'un cancer du sein qui devait poursuivre un protocole de chimiothérapie, mais ses défenses immunitaires ne lui permettait pas d'entreprendre sa prochaine session. Nous avons donc fait une séance spécifique pour travailler sur la fonction de la moelle osseuse, ce qui a permis de recruter des globules blancs de ces tissus et ainsi d'améliorer sa prise de sang pour pouvoir entreprendre son traitement de chimiothérapie.
Actuellement, je pratique beaucoup l'acupuncture dans le cadre des douleurs d'origine ostéoarticulaire, comme le veut ma spécialité. Par exemple, dans le cas d’une fracture, l'acupuncture aide à la récupération. Il y a un délai incompressible lié à la physiologie du tissus osseux mais cela aide au drainage de l'hématome et a une action antalgique.
Le but de l'acupuncture est d'optimiser les ressources de l'organisme. Ainsi, cela dépend de ce que l'on appelle le terrain du patient (état général, âge, génétique, environnement, mode de vie,...).
Par expérience, l'acupuncture permet-elle de maigrir, de réduire le stress et est-elle efficace pendant la grossesse ?
L'acupuncture seule ne permet pas de maigrir mais y contribue. L'hygiène de vie est indispensable à la réussite du protocole. L'acupuncture facilite la perte de poids sous réserve qu'il n'y ait pas de pathologie organique et/ou endocrinienne.
L'acupuncture diminue le stress. Il est possible de stimuler des points d'acupuncture soi-même pour remédier au stress. Ces points calment le système sympathique et baissent le rythme cardiaque.
Ainsi, il y a une prévention des pathologies qui en découlent (pathologies cardiovasculaires, eczéma,...). Les deux points d'acupuncture à stimuler sont le point 7 du méridien du cœur qui se trouve juste en dessous du pisiforme (petit os interne de la première rangée du carpe) à l’aplomb du petit doigt, puis il faut suivre la ligne qui croise le premier pli palmaire.
En médecine traditionnelle chinoise (MTC) cela correspond à la porte de l’esprit et se dit "Shen Men" en chinois. Le deuxième point est le point 6 du maître du cœur. Il se trouve en suivant la ligne du majeur en face palmaire et en se plaçant à trois travers de doigts au niveau du pli palmaire. Il a un effet particulier sur les angoisses, les vomissements et les reflux.
Enfin, l'acupuncture est efficace pendant la grossesse. C'est un moment privilégié car les femmes ne peuvent prendre de médicaments chimiques ou le moins possible, ainsi l'acupuncture a beaucoup à apporter. Cela peut aussi très utile dans les problèmes de fertilité. On revient au problème fonctionnel de l'organe (dans le cas où il n'y a pas d'altération de cet organe).
Utilisez-vous l’acupuncture en prévention ou en traitement curatif ?
En France, la prévention n'est pas une habitude ainsi je l'utilise le plus souvent en traitement curatif. Il est vrai que j'utilise l'acupuncture en prévention, le plus souvent, dans le cadre des allergies printanières.
Utilisez-vous d'autres thérapies complémentaires dans votre pratique ?
J'utilise l’amphothérapie développée par le Dr Jean-Marie Soulier, qui associe des techniques de médecine manuelle à une implication rééducative active de la part du patient, ainsi que les techniques de thérapie manuelle (étirements en contracté-relâché, massages réflexes, mobilisation articulaire, techniques neuromusculaires,...) enseignées par le Dr Dominique Bonneau à l'Institut Supérieur de Thérapeutique Manuelle (ISTM). De même que l'endobiogénie, une discipline qui s'intéresse aux mécanismes d'entretien de l'organisme humain.
A cet effet, j'utilise la phytothérapie et l'aromathérapie. Cette discipline prend en compte le patient dans sa globalité et la façon dont celui-ci utilise les ressources de son organisme, ce que l'on nomme le terrain du patient (fonctionnement de son système nerveux autonome, de son système endocrinien, de son matériel génétique, de son environnement et de sa perception, de son alimentation...). Les moyens thérapeutiques complémentaires sont le travail sur les règles hygiéno-diététiques et un traitement par phytothérapie qui inclut l'aromathérapie, les tisanes, les bourgeons,….
Quels sont les points d'acupuncture que vous privilégiez ?
Dans ma spécialité, pour les problèmes osseux, il y a deux grands points. En médecine traditionnelle chinoise (MTC), les os sont en relation avec le rein. Le méridien correspondant à l'organe du rein est responsable de la croissance osseuse. Le point d'acupuncture Vessie 23 est le point de tonification du rein ainsi que la zone lombaire. Par conséquent, il peut être utilisé pour des problèmes de lombalgie. Ensuite, le point Vessie 11 se situe au niveau de T1 et stimule les os. Utile surtout pour des rachialgies cervicales ou lombaires.
Comment trouve-t-on un point d'acupuncture ?
Les points d'acupuncture sont décrits sur des textes classiques de la médecine traditionnelle chinoise (MTC). On considère que le pouce du patient est la référence. Par exemple, trois pouces à coté d'un relief osseux. A la palpation, il y a généralement une cavité ou une dépression, parfois même une sensibilité (douleur).
Quelle est la plus-value dans le traitement de vos patients ?
Essentiellement, pour les patients difficilement mobilisables ou ceux qui sont trop fragiles par leurs antécédents. La plus-value est qu'on ne va pas mobiliser et qu'il n'y a pas d'effets secondaires.
Comment se déroule une séance d'acupuncture ?
Au début, j'établis le bilan et l'interrogatoire: pourquoi le patient consulte, les antécédents, tous les signes fonctionnels, s’il dort bien, s'il digère bien, s'il a des palpitations, son psychisme. Ces éléments permettent de savoir si le patient est trop Yang ou trop Yin ainsi que les organes et méridiens principaux à aider et ceux à tempérer.
Par exemple si le patient est trop agité, on calme le foie et on nourrit le rein (ancrage sur terre). Ensuite, il y a la prise des pouls radiaux, l'inspection de la langue (identifie le niveau d'atteinte de la pathologie enraciné ou superficiel et l'état digestif) puis on palpe les méridiens. On choisit le point en palpant les tissus puis on place les aiguilles, suite à cela, on laisse le patient allongé couvert avec les aiguilles pendant environ 15 à 30 minutes (maximum). Si le patient ne supporte pas, il est possible de laisser les aiguilles entre 5 à 10 minutes.
Pour finir, on retire les aiguilles et on met une compresse sur chaque point pour "fermer une porte" (selon les principes de la médecine traditionnelle chinoise). Les indications post-séance sont le repos et de s'écouter, car la séance d'acupuncture peut engendrer de la fatigue.
Quels ouvrages conseillez-vous pour aller plus loin ?
Je conseille un ouvrage se nommant "La théorie des méridiens et ses applications en médecine chinoise", de Wang Ju-Yi et Jason D. Robertson (Éditions Satas, 2012). Jason D. Robertson est un auteur américain qui relate les enseignements d’un maître en acupuncture chinois. Ce livre est complet et apprend à palper les méridiens tout en étant au plus proche des patients.