Vaccination COVID-19 : les pharmaciens répondent présent !
La campagne de vaccination contre la Covid-19 s’accélère depuis samedi 24 avril avec le déploiement du vaccin Janssen (Johnson & Johnson) dans les pharmacies pour toutes les personnes de plus de 55 ans. La publication d’un décret au Journal Officiel du 5 mars avait marqué le début de l’ouverture de la vaccination aux pharmaciens en autorisant les pharmaciens d’officine, des pharmacies mutualistes et de secours minières à prescrire et administrer tous les vaccins contre le coronavirus Sars-CoV-2 disponibles, qu’ils soient à ARN messager ou à vecteur viral. Elle ne peut être réalisée que par des pharmaciens déjà habilités à la vaccination.
La majorité des patients font confiance à leur pharmacien, véritable acteur de santé de proximité et considéré par un grand nombre comme un professionnel de santé facilement accessible. C'est un atout majeur dans le succès de la campagne de vaccination par les pharmaciens.
Une aggravation des inégalités d’accès aux soins
Où se faire vacciner ? Comment se faire vacciner covid ?
Dans nos enquêtes précédentes, nous avions mis en évidence les difficultés d’accès aux consultations avec deux spécialités de recours de proximité aux délais moyens d’attente trop longs : les dermatologues et les ophtalmologistes.
Les trois « barrières » du renoncement aux soins sont pour mémoire le délai de rendez-vous, la proximité géographique et l’aspect financier en particulier pour les soins coûteux (dentiste, ophtalmologue).
La crise du Covid-19 a renforcé les inégalités d’accès aux soins en France en créant de nouvelles barrières avec la fermeture de cabinets ou de certaines structures de soins.
L’effondrement des consultations et du recours aux actes médicaux, constaté en 2020, est révélateur de l’impact certain de la crise sanitaire sur le renoncement aux soins.
Dans son rapport « Charges et produits » publié en juillet 2020, l'Assurance maladie constate « une baisse spectaculaire du recours aux soins hors covid-19 sur l'ensemble du territoire pendant l'ensemble de la durée du confinement ».
L'aggravation de l'inégalité d’accès aux soins par la pandémie Covid-19 va-t-elle se réduire avec la vaccination ?
Afin d’avoir un début de réponse à cet enjeu de santé publique, l’équipe du Guide Santé, avec le concours du Professeur J.-M. Chabot, a décidé de mener une enquête auprès de l’ensemble des pharmacies de France.
L'objet de l'étude était de vérifier si la majorité des pharmaciens contribueraient au déploiement rapide et massif de la vaccination.
Les résultats laissent présager que la campagne sera couronnée de succès mais à la condition que les pharmacies soient livrées en temps et en heure et en quantité suffisante de doses de vaccins.
Le flop des autotests
Commercialisé depuis le 12 avril dans les officines de pharmacie, l’autotest nasal est un test antigénique réalisable après auto-prélèvement nasal chez les personnes asymptomatiques âgées de 15 ans ou plus.
Rapides et disponibles dans la plupart des pharmacies d’officine, les autotests de dépistage de la Covid-19 ne rencontrent pas le succès escompté !
Les pharmaciens font l’amer constat qu’il y a très peu de demandes après les premières semaines de commercialisation.
Le principal inconvénient de ces tests réside dans leur faible sensibilité chez les sujets asymptomatiques, auxquels ils sont destinés et sans compter sur des prélèvements mal effectués ou des erreurs d’interprétation.
Non remboursés par la sécurité sociale, peu fiables, et difficiles à réaliser seuls, les autotests sont un flop retentissant.
La vaccination Covid dans les pharmacies : futur flop ou futur succès ?
Au delà des difficultés liées à certains effets secondaires rares du vaccin AstraZeneca mais également du vaccin Janssen, la garantie du succès de la campagne de vaccination passe en premier lieu par l’adhésion des professionnels de santé concernés et habilités à vacciner.
Par conséquent, nous avons choisi de dresser une cartographie nationale de la vaccination dans les pharmacies d’officine, et les résultats pour chaque pharmacie sont consultables sur l’application Doc Le Guide Santé™ — à télécharger sur Apple Store ou Google Play.
L’étude réalisée avec le concours d’un professeur émérite de Santé Publique, a consisté à analyser les données de 11 160 pharmacies (sur un total national de 21 699 pharmacies contactées) sur le territoire de la France métropolitaine.
5791 pharmacies n'ont pas répondu à trois tentatives espacées d’appels d’une durée d’attente de 5 sonneries (25 secondes). Elles ont été identifiées comme « non joignables ».
Parmi les 15 773 pharmacies d’officine qui ont répondu aux agents enquêteurs, 11 160 ont accepté de répondre aux questions et leur répartition sur le territoire national était en cohérence avec le principe d’un échantillonnage représentatif.
Parmi les 11 160 qui ont accepté de répondre au questionnaire, pas moins de 7 947 ont déclaré avoir l’intention de vacciner, soit 71,2%. A noter que 14% refusent de vacciner et 14.8% n'avaient pas encore décidé au moment de l’enquête.
Si sur l’ensemble du territoire national, une très large proportion des pharmacies interrogées ont l’intention de vacciner et se sont organisées pour le faire, certaines zones géographiques sont en léger recul par rapport à la moyenne nationale.
➠ Consultez ci-dessous, les deux infographies (format PDF) des résultats de la grande enquête nationale réalisée auprès de 11 160 pharmacies d’officine* par les équipes Doc Le Guide Santé™
Infographies : les Pharmaciens et la Vaccination contre la COVID-19
➽ MÉTHODOLOGIE & VUE NATIONALE
➽ LES RÉSULTATS DES 10ères VILLES
*21 699 pharmacies d'officine contactées entre le 2 et le 29 mars 2021 par l'équipe du Dr Stéphane Bach. 11 160 pharmacies sur un total national de 21 699 pharmacies enregistrées sur le territoire Français - les départements et régions d'outre-mer (DROM) n'ont pas été inclus dans l’enquête.
Source des données : Ameli.fr
94.5% des pharmaciens d’officine interrogés ont été formés à la vaccination et 87.6% déclarent que la vaccination anti-Covid19 ne se fera que sur rendez-vous pris par téléphone.
Les raisons principalement avancées pour ne pas vacciner sont pour 47.5% le fait que les locaux sont inadaptés, pour 23.75% que les ressources humaines sont insuffisantes, ou encore pour 15.58 % qu‘il y a une insuffisance de formation à la vaccination.
Concernant le nombre de patients par jour que les pharmaciens estiment pouvoir vacciner, seuls 4898 ont répondu sur les 11 160 pharmacies de l’échantillon.
77.7%, soit la majorité des pharmaciens estiment pouvoir vacciner autour de 10 patients par jour alors que seulement 3% déclarent ne pouvoir vacciner que moins de 10 patients par jour.
Ces résultats sont encourageants et préfigurent de réelles chances de succès de la campagne de vaccination en cours.
Une question subsiste toutefois à propos de la prise de rendez-vous, pierre angulaire de l’organisation d’une campagne réussie.
A la question « Avez-vous prévu de devenir utilisateur d'un agenda en ligne à l'occasion de la campagne de vaccination ? » 16.3% seulement des pharmacies ont prévu de le faire. Le téléphone et l’agenda « papier » vont-ils suffire face à des dizaines voire des centaines de demandes par jour ?
Interview de Sébastien Enderlé : fondateur d’ASP Serveur
Une autre difficulté vient se greffer dans l’éventualité où les prises de rendez-vous sont faites en ligne : la sécurité des données de santé. Nous avons fait le choix d’interviewer un expert connu et reconnu, Sébastien Enderlé, fondateur et Président d’ASP Serveur.
Avec le déploiement massif de la vaccination dans les pharmacies, celles-ci vont probablement s'équiper de solutions de prise de RDV en ligne.
Quelles sont les points que les pharmaciens doivent vérifier au préalable concernant l'hébergement des données par le fournisseur d'agenda en ligne?
Ils existent plusieurs points à vérifier, certains constituent une obligation légale et d’autres relèvent des risques encourus par le chef d’entreprise.
Au niveau légal, la plateforme et les services (dont l’infogérance et les sauvegardes) du fournisseur d’hébergement des données doivent être certifiée HDS (Hébergeur de données de santé).
Bien que cela ne constitue pas une obligation légale nous conseillons aussi les hébergeurs certifiés ISO 27001. Cette norme assure un ensemble de processus complexes relatifs à la sécurité et à la confidentialité des données.
Elle démontre aussi une véritable maturité de l’hébergeur dans le domaine de la sécurité.
Ce type d’hébergeur saura vous proposer et opérer correctement les outils de sécurité conformes à l’état de l’art (Firewalls, Anti-DDoS, protection continue des données …)
Enfin , il faut s’assurer que l’hébergeur soit véritablement conforme au RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données).
Les règles du RGPD s’appliquent à toutes les entreprises privées ou publiques des 28 états membres de l’union européenne.
Dans le cas où la plateforme de rendez-vous en ligne permet le règlement ou la réservation par carte bancaire, il faut aussi que l’hébergeur soit agréé PCI-DSS.
Vos datacenters sont implantés en France. Les données des patients stockées sur vos serveurs sont ainsi soumises au droit Européen et non pas "au droit étasunien" ? Comment expliquez-vous que certains agendas en ligne confient les données de santé des patients de leurs clients professionnels de santé à des sociétés de droit étasunien.
L’arsenal juridique étasunien prévoit que le gouvernement US peut avoir accès aux données des hébergeurs dans certains contexte, il s’agit principalement du Patriot Act.
Par ailleurs, la Cour de Justice Européenne a invalidé le 16 juillet 2020 le Privacy Shield.
Ce régime particulier permettait le transfert de données entre l’Union européenne et les opérateurs américains adhérant à ses principes de protection des données sans autre formalité.
Il existe donc une incohérence juridique à laquelle ni l’Europe ni la France n’a trouvé de remède clair à ce jour, mais des commissions travaillent sur ce sujet.
Dans ce contexte, nous jugeons dangereux de confier les données de santé à un hébergeur soumis au droit étasunien.
Notons aussi que la réglementation peut changer d’un jour à l’autre en défaveur des États-Unis et rendre totalement illégal ce type d’hébergement.
Qui est responsable en cas de "vol de données de santé" : le professionnel de santé, le fournisseur d'agenda en ligne ou l'hébergeur de données ?
Il s’agit d’une question complexe car tout dépend des cas d’usage et de la manière dont le vol est opéré.
La responsabilité de plusieurs acteurs peut être engagée.
Dans le cadre d’un contrat d’hébergement de données de santé à caractère personnelles, il existe ce que l’on nomme une matrice RACI (responsible, accountable, consulted et informed).
Cette matrice définit dans un tableau les responsabilités de chaque opérateur de la chaine.
Par exemple, l’hébergeur peut être responsable de la partie infrastructure puis l’infogérant de la partie mises à jour puis le fournisseur d’agenda en ligne de la partie applicative et enfin le professionnel de santé de la confidentialité des fiches clients.
Moralité, il faut s’assurer de la cohérence et de l’exhaustivité de cette matrice proposée par l’hébergeur et travailler avec ce dernier afin que chacun comprenne les rôles et responsabilités qui lui sont attribués.
État des lieux avec des représentants de la profession
Christine Colmont, journaliste santé, a réalisé des interviews de représentants de la profession : Ordre des Pharmaciens, Syndicat et URPS. Leurs avis sur la vaccination par les pharmaciens viennent conclure cette enquête et élargissent le débat.
Stéphane Pichon, pharmacien à Marseille, Membre du bureau du Conseil central de la Section A de l’ordre des pharmaciens en France
Quelle est la position de l’ordre au sujet de la vaccination par les pharmaciens, sachant que 71.2% des officines veulent vacciner, selon la grande enquête menée par le Guide Santé.
Elle n’a pas changé d’un iota depuis le début. Depuis des années, l’ordre s’est battu pour obtenir la vaccination, au départ pour la grippe. Il était logique qu’il s’implique aujourd’hui pour obtenir l’accès à la vaccination Covid-19 à la profession. Nous, pharmaciens avons donc demandé de pouvoir accomplir cette vaccination depuis le mois de décembre.
Malheureusement, rien n’a été fait pour optimiser la vaccination d’où une perte de chances pour une grande partie de la population. Eu égard à la mauvaise presse faite au vaccin AstraZeneca, longtemps le seul disponible en pharmacie et maintenant au sérum Janssen, la vaccination a pris beaucoup de retard.
Pourtant, les pharmaciens représentent autant de centres de vaccination potentiels, déployés sur tout le territoire, et plus particulièrement dans les déserts médicaux où ce sont bien souvent les seuls professionnels de santé présents. Pour ma part, j’ai d’abord vacciné 40 personnes avec l’AstraZeneca puis la semaine suivante, seulement 5 avec le sérum Janssen, un seul flacon nous ayant été octroyé par officine. Et nous avons pas encore pu obtenir l’ARN messager de Pfizer.
Quel état des lieux dressez-vous ?
Toutes les officines sont équipées de réfrigérateur et elles auraient pu décongeler ce sérum à ARN Messager à 6 degrés.
Mais, les professionnels de santé n’ont pas été autorisés à vacciner en ambulatoire leurs patients qu’ils connaissent pourtant bien et dont ils sont proches. Une injection par un pharmacien ne revient pourtant qu’à 7,40 € alors que dans un vaccinodrome, elle coûte 10 fois plus cher, compte tenu du nombre de personnel impliqué.
En laissant les pharmaciens vacciner, nous aurions pu injecter jusqu’à 2 millions de doses par semaine mais nous n’en avons pas reçu suffisamment.
Jusqu’à présent, les vaccins ont été déployés dans les grandes villes au détriment des villages.
Toute la gestion a été donnée aux administrations plutôt qu’aux professionnels de santé alors que notre système de grossistes répartiteurs est très bien organisé avec des livraisons deux à trois fois par jour. La vaccination anti-grippe a été un succès avec plus de 1,5 à 2 millions d’injections par la semaine, pendant la campagne, sans effet indésirable, en augmentant de 15 points la couverture vaccinale en France. Les pharmaciens sont engagés dans la vaccination et ils prennent de nombreuses précautions vis à vis de leurs patients n’hésitant pas à les renvoyer consulter leur médecin en cas de doute.
Pour autant, pourquoi certains pharmaciens refusent de vacciner ?
Certaines officines n’ont pas la capacité matérielle ou humaine de le faire. D’autant qu’injecter une dose prend du temps pour un pharmacien qui est tout seul face aux patients, à l’inverse des vaccinodromes où plusieurs personnes s’occupent de leur prise en charge.
Le pharmacien fait tout : il appelle, prend le rendez-vous, donne des explications au patient, injecte, fait la transmission informatique et le tiers payant. Certaines officines en ont la capacité et les locaux.
D’autres pas ou bien, elles ne veulent pas être le potentiel vecteur d’une pathologie chez le patient en administrant les sérums AstraZeneca et Janssen.
Gilles Bonnefond, président de l’USPO (Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine)
Les pharmaciens sont-ils bien placés pour vacciner les Français contre la Covid-19 ?
C’était pour nous une évidence. Ne pas s’appuyer sur les pharmacies pour vacciner contre la Covid -19 a représenté une erreur stratégique.
Céder au départ au lobby des médecins qui considéraient que ni les pharmaciens, ni les infirmières ne pouvaient injecter des doses a retardé la mise en route de la vaccination.
Pour apporter les vaccins à proximité des patients, il aurait été plus judicieux d’utiliser le réseau officinal.
Le pharmacien est légitime pour vacciner et largement plébiscité par ses patients, y compris contre la pandémie.
Et pourtant les pharmaciens ont finalement pu vacciner…
Nous n’avons obtenu les premières doses qu’en mars. Nous n’avons pu vacciner qu’entre 300 000 et 350 000 personnes ce mois-là alors que nous aurions pu injecter entre 4 et 5 millions de doses si nous en avions reçu suffisamment. Aussi, nous n’avons pas pu obtenir, jusqu’à présent, de vaccins à ARN messager.
En revanche, pour vacciner les personnes âgées dans les zones rurales, des bus ont été envoyés dans des villages, avec un chauffeur, un infirmier, un médecin, parcourant parfois même à plus de 50 km, pour se garer sur la place du village… devant la pharmacie. Un véritable non-sens. L’organisation aurait pu être optimisée en impliquant d’avantage les officines dès le début de la campagne.
D’ailleurs, nos patients ne comprennent pas pourquoi, leurs pharmaciens qui les connaissent bien et les ont vaccinés contre la grippe ne peuvent pas leur injecter le vaccin contre la Covid-19.
Quelle est votre marge de manœuvre pour que la situation évolue ?
Nous devrions avoir accès aux doses de vaccin à ARN messager. Une expérimentation est menée en Moselle avec le vaccin de Moderna et nous espérons qu’elle s’étendra à toute la France.
Mais la quantité de doses de cet ARN messager n’est pas aussi importante que celle de son très proche, également à ARN messager, Pfizer BioNTech.
Si nous n’obtenons pas ce vaccin en pharmacie, la campagne prendra beaucoup de retard.
D’autant que ce sérum peut désormais être conservé à -20 degrés, le circuit grossiste pouvant le transporter dans un congélateur et à partir du moment où l’officine serait livrée, elle aurait cinq jours pour l’injecter.
Quand prévoyez-vous un inversement de tendance ?
Dès lors que les "vaccinodromes" vont être tendus, les pharmaciens, professionnels de santé pourront prendre le relais. Il est assez cocasse que les pompiers, les médecins et les pharmaciens à la retraite puissent vacciner contre le Covid-19, à l’inverse des pharmaciens en activité.
Les freins à la vaccination en officine reposent sur des aprioris s’agissant de la logistique alors que les grossistes-répartiteurs contrôlent parfaitement la chaîne de froid pour livrer tous les vaccins en officines.
Finalement, le bon sens devrait l’emporter. Certes, les pharmaciens ne sont pas la solution à tout mais s’ils injectent 4 millions de doses par mois, cela permettra de tenir les objectifs. Sur le plan de sécurité des données, il est d’ailleurs préférable de passer via nos pharmaciens qui bénéficient de liaisons sécurisées. Il en va également de leur responsabilité de professionnel de santé.
Nous sommes prêts à apporter notre pierre à l’édifice à condition qu’on nous le demande et qu’on nous fasse confiance. Si tous les plus de 55 ans et les personnes âgées étaient vaccinés par les vaccins disponibles, nous nous trouverions en pannes de doses pour pouvoir vacciner les jeunes, surtout si nous n’avons pas accès aux doses de Pfizer BioNTech.
Pour toute la prévention, tous les types de vaccination, tous les types de dépistage, la pharmacie est un espace de santé de proximité unique.
Michel Siffre, pharmacien dans une officine à Bandol (Var), Président de l’URPS Pharmaciens PACA (Union Régionale des Professionnels de Santé Libéraux Pharmaciens)
Quelles ont été vos motivations pour vacciner dans votre officine ?
Nous avons démarré la vaccination le vendredi 9 avril car nous voulions répondre à la demande de nos patients comme nous l’avions fait en vaccinant contre la grippe.
En tant qu’acteur de santé de premier recours, nous étions prêt à participer à la couverture vaccinale pour lutter contre la Covid.
Dans notre officine, nous sommes trois à pouvoir vacciner, tous trois pharmaciens à avoir effectué la formation pour la vaccination grippe.
Quand avez-vous commencé à vacciner ?
Les premières semaines, la pharmacie n’a pas pu vacciner mais elle a commandé les doses qui étaient ensuite rétrocédées aux médecins et aux infirmiers.
Puis, en mars, nous avons obtenu l’autorisation d’injecter nous mêmes des doses dans l’officine et avons constitué une liste de patients candidats potentiels. Nous les avons alors tous appelés ; ce qui nous a pris une journée complète.
Dans la plupart des cas, nous nous avons essuyé des refus car les personnes contactées étaient déjà vaccinées ou bien, elles ne voulaient plus recevoir le vaccin AstraZeneca.
Pourtant, en les mettant sur les listes d’attente, nous leur avions bien demandé de nous appeler s’ils trouvaient à se faire vacciner ailleurs. En fait, sur les 100 patients contactés sur la liste d’attente, nous avons obtenu 10 rendez-vous et encore, un patient s’est désisté à 19h30, ce qui nous a fait perdre une dose.
Nous avons reconstitué une deuxième liste pour vacciner le vendredi d’après. J’ai senti alors que les personnes avaient moins peur du sérum AstraZeneca. Sur les flacons de 10 doses, nous avions prévu une ou deux personnes supplémentaires pour éviter des pertes. Et la semaine d’après, nous n’avons pu commander qu’un seul flacon J&J pour nous, un seul pour chaque médecin et chaque infirmier référencé au préalable dans l’officine.
En cas de doute sur les contre-indications à la vaccination, nous préférons obtenir l’avis du médecin au préalable et redirigeons les patients qui présentent des pathologies du sang vers le spécialiste ou l’hôpital.
Nous avons ensuite contacté encore 11 patients pour une troisième série. Ils sont quelque peu fataliste et comprennent qu’il existe un petit risque mais que la seule solution est la vaccination. D’autant que même le vaccin PFIZER a des inconvénients notamment en terme d’hypertension.
Comment vous organisez-vous avec les patients pour optimiser l’administration des doses ?
Nous avons planifié un patient tous les quarts d’heure et les couples en même temps. Nous les avons fait entrer dans notre espace de confidentialité, puis remplir le questionnaire pour détecter l’absence de contre indication.
Bien évidemment, nous vérifions l’âge en amont. Nous leur avons alors expliqué quels pouvaient être les effets secondaires des vaccins. Nous avons préparé l’injection et leur avons administré. Tout ceci de manière détendue, en les faisant repasser dans l’espace de vente pour attendre un quart d’heure avant qu’ils puissent repartir chez eux.
Nous avons prévu un agenda papier que nous avons rempli pour reprogrammer la vaccination de la deuxième dose. Les patients savent qu’ils recevrons une seconde injection 12 semaines après la première. Pour les moins de 55 ans qu’ils ne devront plus recevoir de doses AstraZeneca (s’ils l’ont reçue) ni Janssen mais un vaccin ARN messager. Nous leur rappellerons leur rendez-vous une semaine avant.
Pour ceux qui ont déjà contracté le virus, nous leur conseillons de se rapprocher de leur médecin qui décidera si la vaccination devra intervenir après trois, quatre, cinq ou six mois. Nous leur expliquons qu’ils ne recevront qu’une seule dose.
Nous n’oublions pas d’entrer la date de vaccination et tous les renseignements demandés sur le site SI VAC. En fin de saisie, cela génère une attestation que nous signons et leur donnons. En général, ils repartent rassurés.
En conclusion
Le succès prévisible de cette campagne de vaccination dans les pharmacies repose sur plusieurs éléments.
Tout d'abord, 71.2% des pharmaciens ont exprimé l'intention de vacciner et 94.5% d'entre eux sont habilités à le faire.
Par ailleurs, malgré des disparités territoriales, il est constaté que plus d'une officine sur deux sera présente au rendez-vous de la vaccination dans les quelques départements moins "engagés".
En outre, il est très probable que la plupart des 14.8% d'indécis prennent la bonne décision et viennent renforcer les rangs des pharmaciens qui vaccinent.
A condition que les pharmacies disposent des vaccins "en temps et en heure", il n'est pas dépourvu de sens d'imaginer que près de 150 000 patients par jour puissent bénéficier au sein des officines d'une injection (première dose ou dose unique selon le vaccin).