Trouver un dermatologue : Quelles solutions pour 2020 ? - Episode 3

Photo d'un stéthoscope sur un agenda

Épisode 3 – Prendre rendez-vous avec un dermatologue : les vrais délais d'attente [3/6]
Notre websérie en six épisodes se poursuit sur les délais d’attente entre la prise de rendez-vous et la consultation de dermatologie.

Quelles sont les véritables délais d’attente pour avoir un premier rendez-vous médical chez un dermatologue ?

Le délai d’obtention d’un rendez-vous est considéré comme essentiel par les Français qui le positionnent, après la question financière (assurance maladie, reste à charge et avance de frais), comme l’élément déterminant de l’accès aux soins [1].

Délai moyen d'attente de 61 jours selon la DREES

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Selon une étude de la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistique) éditée en Octobre 2018, sur 1 252 demandes de rendez-vous en dermatologie, « 61 jours s'écoulent en moyenne entre la prise de contact et le rendez-vous, tous motifs de demande confondus » [2].

Une enquête innovante sur les délais d’attente en dermatologie a été menée entre Juin et Décembre 2019 sous la houlette de notre expert, le Docteur Stéphane BACH, médecin de santé publique, dont les premiers résultats sont présentés ici. Cette étude est "différenciante" mais complémentaire de l’enquête de la DREES qui était fondée sur un recueil de données auprès de patients volontaires devant remplir, pour chaque demande de rendez-vous, un questionnaire papier. 

Cette nouvelle étude a été conduite sous la forme d’une enquête «patient mystère» qui a permis de contacter anonymement 3 341 dermatologues conventionnés, répartis sur l’ensemble de la France métropolitaine, afin de vérifier le délai moyen d’attente dans le cadre d’une première consultation. La méthodologie et les résultats préoccupants de l’enquête (délai moyen par commune) seront détaillés dans le prochain épisode.

Délai de 95 jours d'attente pour un RDV chez un dermatologue

Au niveau national, il faut en moyenne 95 jours pour obtenir une consultation chez un dermatologue conventionné.

Seuls 593 dermatologues ont proposé des consultations pour un nouveau patient pour des problèmes de peau sur les 3 341 de l’étude !

La répartition des délais moyens par secteur de convention de l'assurance maladie (sécurité sociale) est la suivante :

  • 100 jours pour les 284 praticiens en secteur 1 
  • 89 jours  pour les 91 praticiens en secteur 2 OPTAM 
  • 92 jours jours pour les 218 praticiens en secteur 2 

44 % des dermatologues « joignables » refusent les nouveaux patients !

Le plus déroutant est à venir : sur les 1 195 dermatologues accessibles par téléphone ou via un agenda numérique, 132 ne consultent plus (!) et 470 n’acceptent plus de nouveaux patients pour des problèmes de peau.

Plus alarmant : 1 193 dermatologues sur 3 341 sont inaccessibles ! Parmi eux, 283 ne proposent pas de rendez-vous en ligne alors qu’ils sont inscrits sur une plate-forme de rendez-vous en ligne et sont restés injoignables après 5 tentatives d’appel (étalées sur plusieurs jours).

Très surprenant : les dermatologues spécialistes inscrits sur ces plateformes et qui proposent des rendez-vous médicaux en ligne ont un délai d’attente moyen de 90 jours. Or, ces sites se targuent de réduire souvent de moitié les délais d’attente chez les principaux spécialistes et professionnels de santé (les médecins généralistes ne sont pas concernés).

Et les plateformes de RDV médicaux en ligne ?

Seuls 25% des dermatologues sur les 1018 inscrits sur des plateformes de rendez-vous médicaux en ligne (Doctolib, Mon Docteur...) proposent des rendez-vous pour une première consultation ! 

Les avantages de ces agendas numériques sont largement démontrés pour les médecins car ils réduisent le nombre de rendez-vous non honorés. En revanche, les rendez-vous médicaux en ligne ne s’avèrent pas être une piste d’amélioration des délais d’attente en dermatologie médicale.

Dans tous les cas et quelque soient les causes d’un tel effondrement du temps médical disponible, ces résultats préliminaires sont édifiants et consternants.

Des disparités en fonction des territoires !

Obtenir un rendez-vous chez un dermatologue à Paris ou à Marseille est plus difficile qu'à Tours !

Alors que le délai moyen d’obtention d’un rendez-vous chez un dermatologue conventionné est de 61 jours dans l’unité urbaine de Paris, il est de 128 jours à Lyon.

Il est également constaté de très grandes disparités dans les délais d'attente par ville et par cabinet avec des délais moyens extrêmes par praticien allant de 2 jours à Mulhouse à 341 jours à Saintes !

 

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La proximité ne réduit pas le délai d'attente !

La présence d’un dermatologue à une distance raisonnable du domicile du patient ne garantit pas son accessibilité si le praticien n’accorde pas un rendez-vous dans un délai acceptable. 

La notion de délai acceptable est très suggestive selon la lecture qui en est faite par le patient ou par le corps médical. Il est à noter que ce délai acceptable n’a jamais été produit par aucune étude. 

A titre d’exemple, nous citons le cas le plus extrême avec la commune d’Avignon qui caracole en tête des communes normalement dotées en dermatologues sans rendez-vous disponible pour une première consultation !

Comment expliquer ces délais importants afin d’accéder à un dermatologue ?

Les facteurs habituels qui ressortent des analyses de l’administration, de l'assurance maladie et de la plupart des organismes chargés des études et des statistiques pour expliquer la diminution de l’accessibilité aux soins d’une manière générale sont  la démographie médicale déclinante et le vieillissement de la population.

Selon notre enquête, il s’agit avant tout d’une baisse du temps médical disponible.

Le terme de temps médical disponible a été utilisé par le Sénat lors d’un rapport d’information sur l’équilibre concernant la santé en fonction des territoires [3]. 

Pour mémoire, il s’agit du temps exclusivement consacré par le praticien à l’activité de soin en opposition aux autres tâches (administratives, formation continue, réception de visiteurs médicaux, lecture d’articles…).

Plusieurs facteurs sont évoqués pour expliquer la diminution du temps médical disponible : 

  • la diminution du temps de travail global des médecins actuellement en exercice par rapport à leurs prédécesseurs et l’augmentation du temps non-médical,
  • les départs en retraite qui ne sont plus remplacés,  
  • l'aspiration à un meilleur équilibre de vie qui n’est pas l’apanage des femmes (forte féminisation de la spécialité avec 71% de femmes) mais est plus une question de génération, que de sexe [4]. C’est une conséquence de la génération Y qui ne veut plus sacrifier sa vie personnelle pour sa profession. Les jeunes médecins ne veulent peut-être plus exercer leur métier comme leurs aînés [5].

Pourquoi 44% des dermatos ne prennent plus de nouveaux patients ?

Quelles raisons amènent 44% des 1 195 dermatologues accessibles à ne plus prendre en charge de nouveaux patients ?

Au delà du temps médical disponible insuffisant et de la mauvaise répartition géographique des dermatologues, il nous faut regarder du côté des patients avec un vieillissement de la population mais également une chronicisation (fait de devenir chronique) des problèmes de peau qui engendrent une augmentation drastique du nombre de patients tout en nécessitant un temps médical accru.  

15 % des Français souffrent de maladies chroniques de la peau et 30% de la population française de 15 ans et plus déclarent avoir ou avoir eu au moins un problème ou maladie de peau au cours des 12 mois [6]. 

Il est permis d’en déduire qu’il reste peu de place pour de nouveaux patients dans l’agenda des dermatologues.

« Nous traitons beaucoup de patients qui requièrent un suivi régulier, à la suite d’un cancer cutané, d’un eczéma ou d’une pathologie chronique », explique le cabinet du Dr Isabelle Cavard, à Ambérieu-en-Bugey [7]. Cette interview d’une dermatologue du département de l’Ain illustre littéralement cette situation.

 

Sources :

 

  1. Nguyen-Khac, A. (2017). Mesures de l’accès aux soins : l’apport d’enquêtes sur les pratiques et perceptions des patients, Revue française des affaires sociales, 187-195. doi.org/10.3917/rfas.171.0187
  2. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er1085-2.pdf
  3. Rapport d'information de Mme Marie-Thérèse BRUGUIÈRE, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales n° 600 (2010-2011).
  4. http://www.senat.fr/rap/r12-335/r12-3359.html
  5. Extrait de l’Interview du 29/10/2019 du Dr N. Quiles-Tsimaratos, chef du service Dermatologie, Hôpital St-Joseph, Marseille.
  6. https://document.dermato-info.fr/communiqué/2017-02-02_Objectifs-peau.pdf
  7. https://www.leprogres.fr/sante/2017/06/29/galere-pour-prendre-rendez-vous-chez-un-dermatologue

 

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