Les migraines sont un des membres de la famille des céphalées primaires, composées par ailleurs par les céphalées de tension, les algies vasculaires de la face et les névralgies essentielles de la face.
La prévalence des migraines est estimée à environ 15 % de la population, avec notamment une population de femmes jeunes particulièrement touchée.
Outre le coût important engendré par les multiples explorations à visée diagnostique et thérapeutique, les migraines représentent un problème de santé publique majeur. Depuis quelques années, de nombreuses équipes s’intéressent à l’impact cardiovasculaire en termes de morbidité mais aussi de mortalité des migraines.
Une hyper-excitabilité neuronale à la base des symptômes
La maladie migraineuse est due à une hyper-excitabilité neuronale chez des patients prédisposés génétiquement.
La physiopathologie de la migraine est complexe avec différents mécanismes enchevêtrés, dont le principal semble être la dysfonction endothéliale.
En effet, plusieurs études retrouvent des taux de marqueurs de stress oxydatif élevés lors de migraines pouvant expliquer une dysfonction de l’endothélium [1].
Cette atteinte de l’endothélium cérébral, qui pourrait être systémique, expliquerait les différentes lésion vasculaires retrouvées dans les études.
D’autres pistes sont aussi avancées pour expliquer les complications vasculaires : une hypercoagulabilité, une atteinte possible de l’hémostase primaire (plaquettes), ou un phénomène d’inflammation locale. C’est donc une pathologie multifactorielle à forte composante vasculaire.
Une étude sur l'impact de la maladie migraineuse
Dans le cadre de cette étude danoise [2] publiée dans le British Medical Journal en janvier 2018, les auteurs se sont intéressés à l’impact de la maladie migraineuse.
Son objectif principal a été de déterminer le risque d’infarctus du myocarde (IDM), d’accident vasculaire cérébral (AVC), d’artériopathie périphérique, de thromboses veineuses, de fibrillation auriculaire (FA) ou de flutter auriculaire (trouble du rythme cardiaque), et enfin d’insuffisance cardiaque dans une cohorte de patients atteints de migraine.
Les patients ont été inclus si le diagnostic de migraine a été réalisé entre le 1er janvier 1995 et le 30 novembre 2013. Afin d’augmenter la puissance de l’analyse, les auteurs ont recruté dix cas témoins pour chaque cas, soit au total une cohorte de 51 032 patients migraineux comparé à un échantillon de la population représenté par 510 320 patients.
Le critère de jugement principal (CJP) de cette étude de cohorte prospective a été un critère composite associant IDM, AVC, artériopathie périphérique, thrombose veineuse, fibrillation auriculaire, flutter auriculaire ou insuffisance cardiaque.
Les résultats de l’étude ont montré davantage d’IDM (hazard ratio [HR] : 1,49 ; intervalle de confiance à 95 % [IC] :1,36-1,64), d’AVC ischémique (HR : 2,26 ; IC :2,11-2,41), d’AVC hémorragique (HR : 1,94 ; IC :1,68-2,23), de thromboses veineuses (HR : 1,59 ; IC :1,45-1,74), de FA ou de flutter auriculaire (HR : 1,25 ; IC : 1,16-1,36), dans le groupe des patients migraineux.
En revanche, il n’a pas été trouvé d’association statistique entre migraine et artériopathie périphérique ou insuffisance cardiaque.
Un résultat intéressant de cette étude est le nombre de complications durant la première année suivant le diagnostic avec un risque d’AVC ischémique multiplié par plus de huit (HR : 8,67) et un risque d’AVC hémorragique multiplié par presque huit (HR : 7,69).
Une des limites de ce travail est l’absence de similitude parfaite des patients des deux groupes en terme de facteurs de risque cardiovasculaire : davantage de patients diabétiques (1,4 % versus 1,1 %), obèses (3,2 % versus 2,5 %) ou ayant une hypertension artérielle (3,0 % versus 1,8 %) parmi les cas de migraine.
Ce biais de sélection peut compromettre la validité interne de l’étude. Une autre limite concerne l’exactitude du diagnostic posé : il n’est pas toujours aisé de différencier une migraine avec aura d’un accident vasculaire cérébral transitoire.
La migraine est un facteur de risque cardiovasculaire indépendant
La maladie migraineuse pourrait donc être une maladie systémique du tissu endothélial dont le symptôme principal serait les céphalées.
Cette étude confirme que la migraine est un facteur de risque cardiovasculaire indépendant et qu’il pourrait être prudent de contrôler au mieux les autres facteurs de risque.
Ces résultats, notamment concernant ceux de la première année après le diagnostic, devraient néanmoins être confirmés par d’autres études.
Adelborg K, et al. Migraine and risk of cardiovascular diseases: Danish population based matched cohort study. BMJ 2018;360:k96. https://www.bmj.com/content/360/bmj.k96