Ibuprofène et grossesse : un danger dès le premier trimestre ?

Un anti-inflammatoires peut nuire dès 6 mois de grossesse

L’ibuprofène est un anti-inflammatoire non stéroïdien, inhibiteur non sélectif des cyclo-oxygénases (COX), enzymes permettant la transformation de l’acide arachidonique en prostaglandines (PG).

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Disponible à la demande en pharmacie, il est contre-indiqué à partir de 24e semaine d’aménorrhée (SA) en raison d’une augmentation du risque de malformation du fœtus (reins, cœur).

Néanmoins, il reste autorisé et largement utilisé en début de grossesse pour ses propriétés antalgiques et antipyrétiques, et ce malgré le manque de données sur son impact fœtal.

Hors, ce moment est crucial pour de nombreux mécanismes fœtaux, dont le développement ovarien, la différenciation et la migration des cellules germinales gonadiques et, à plus long terme, pour la future réserve ovarienne.

Les rôles des COX et des PG au cours de ces différentes étapes ne sont pas parfaitement compris, mais leur inhibition à ce terme pourrait avoir un potentiel toxique sur l’organogenèse ovarienne fœtale.

Impact de l’ibuprofène ex vivo sur des ovaires fœtaux

Dans le cadre de cette étude de cohorte interventionnelle [1], les auteurs se sont intéressés à l’impact de l’ibuprofène ex vivo sur des ovaires fœtaux entre sept et douze SA de développement.

Entre octobre 2013 et juin 2017, 185 échantillons d’ovaires fœtaux obtenus après une interruption volontaire de grossesse ont été inclus.

Le passage placentaire de l’ibuprofène a été confirmé par sa mise en évidence dans le cordon ombilical des fœtus dont les mères avaient reçu l’antalgique en prévention des douleurs de l’avortement.

Les fragments d’ovaires ont été exposés à des concentrations différentes d’ibuprofène (1-10-100 µM [µmol/l]), plus ou moins longtemps (2-4-7 jours). Un échantillon témoin placé dans un milieu de culture dépourvu d’ibuprofène a été associé à chacun de ces fragments.

On a observé, dans les cultures avec ibuprofène à 10 µM pendant 7 jours, une diminution de 50 % en moyenne du nombre de cellules ovariennes, quel que soit l’âge gestationnel (p < 0,05 à 7-10 SA et p < 0,0001 à 10-12 SA), ainsi qu’une diminution de la prolifération et de la viabilité cellulaire avec une augmentation de l’apoptose (p = 0,007 à 7 SA et p < 0,001 à 8-12 SA).

Les cellules plus spécifiquement touchées ont été les cellules germinales ovariennes, identifiées par certains marqueurs (LIN 28, M2A) dont l’expression a diminué après exposition à l’ibuprofène 10 µM (p = 0,038 à 7 SA et p < 0,001 à 8-12 SA).

Enfin, les effets délétères induits par l’ibuprofène 10 µM sont survenus à très court terme (dès 2 jours de culture à 8-12 SA avec p = 0,00058 et après 4 jours à 7 SA avec p = 0,028) et il n’a pas été observé de récupération significative après cinq jours d’arrêt de l’ibuprofène.

L’ibuprofène serait potentiellement toxique au 1er trimestre de grossesse

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Ces résultats alertent sur le potentiel toxique de l’ibuprofène (surtout à la concentration de 10 µM) au premier trimestre de grossesse.

Attention toutefois de ne pas extrapoler trop aisément ces résultats qui, obtenus par des techniques ex vivo, ne peuvent mimer tous les mécanismes survenant in vivo.

Il convient ainsi de les interpréter avec prudence, mais ils doivent sensibiliser les médecins à l’impact très précoce de l’ibuprofène sur le fœtus, dès le début de grossesse, et à ses retombées concernant la fertilité future des filles issues de ces grossesses.

Sources

  1. Leverrier-Penna S, et al. Ibuprofen is deleterious for the development of first trimester human fetal ovary ex vivo. Hum Reprod. 2018 Feb 2. doi: 10.1093/humrep/dex383. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29408962/
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