La kétamine : bien plus qu’un renouveau

Prescription de kétamine

Depuis sa découverte, en 1962, la kétamine est une molécule utilisée dans de nombreuses indications. Un temps mise de côté, la prescription de kétamine est en hausse depuis quelques années.

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Au contraire de la majorité des agents anesthésiques, la kétamine procure une stabilité hémodynamique permettant son utilisation chez des patients fragiles (patients en choc, femmes enceintes, asthmatiques, etc.).

De ce fait, la kétamine est donc un médicament prescrit régulièrement en anesthésie-réanimation pour la narcose ou pour l’analgésie.

Cependant, son large spectre d’action pourrait permettre une utilisation toute autre dans le cadre d’indications psychiatriques.

Kétamine : le tout-en-un

La transmission d’informations dans le cerveau est le fruit d’une balance entre des neurotransmetteurs excitateurs (dont le principal est le glutamate) et inhibiteurs.

Lors de la fixation du glutamate sur ses récepteurs, celui-ci active des canaux permettant des influx d’ions et donc l’activation cellulaire, la croissance cellulaire ou la transmission de messages douloureux. Le mécanisme d’action principal de la kétamine repose sur l’inhibition du récepteur NMDA (un des récepteurs du glutamate).

Une des particularités intéressantes de la kétamine repose sur l’étendue des effets possibles. En effet, selon la dose utilisée, la kétamine peut avoir un effet antalgique, anti-hyperalgésique ou hypnotique.

En dépit d’une certaine réticence à la prescription, notamment du fait d’effets psychodysleptiques, les indications de la kétamine pourraient être élargies au champ de la psychiatrie.

Une étude randomisée de petit effectif contre le midazolam

Dans le cadre d’une étude publiée en avril 2018 dans l’American Journal of Psychiatry, les auteurs se sont intéressés à l’utilisation de la kétamine pour diminuer les idéations suicidaires.

Les idéations suicidaires sont un symptôme grave pouvant précéder un passage à l’acte. Les arguments en faveur de l’utilisation de cette molécule reposent sur la notion que les traitements antidépresseurs ont un délai d’action de quelques semaines, alors que le risque suicidaire est majeur pendant cette période.

La prise en charge de ces patients est une urgence mais à ce jour peu de traitements sont efficaces en temps voulu. L’alternative au midazolam pourrait donc être la kétamine proposée par les auteurs de cet essai.

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Pour mener cet essai randomisé prospectif en double aveugle, quatre-vingts patients ont été recrutés entre novembre 2012 et décembre 2016, s’ils présentaient une dépression sévère avec idéations suicidaires (SSI score supérieur ou égal à 4 ─ Le score SSI est composé de 19 items évaluant les idées suicidaires, la létalité de la méthode envisagée, la disponibilité de ces moyens d’autodestruction et l’existence d’éléments dissuasifs).

Le critère de jugement principal utilisé dans cette étude a été l’évaluation du score SSI, 24 heures après administration du traitement (kétamine ou midazolam).

Les patients ont donc été répartis au hasard, soit dans le groupe kétamine à 0,5 mg/kg, soit dans le groupe midazolam à 0,02 mg/kg, puis stratifiés selon la prise ou non de médicaments anti-dépresseurs et selon la gravité des idéations suicidaires (SSI score < 8 ou ≥ 8).

Les critères de jugements secondaires analysés dans cet essai ont été les idéations suicidaires et les symptômes dépressifs.
L’efficacité clinique du traitement étudié était considérée comme significative si le score SSI apparaissait diminué de 50 %.

L’utilisation de la kétamine pourrait être envisagée en psychiatrie

Les résultats de cette étude ont trouvé une diminution du score SSI moyen à 24 heures de 4,96 points dans le groupe kétamine versus midazolam (intervalle de confiance à 95 % [IC] : 2,33-7,59 soit p < 0,001).

Une diminution des idéations suicidaires a été notée pour 55 % des patients dans le groupe kétamine contre seulement 30 % dans le groupe midazolam (IC : 1,14-7,15 soit p = 0,024). De la même manière, il a été observé une amélioration des symptômes dépressifs à J1 (évaluation par le score POMS) et une amélioration clinique pendant six semaines après l’administration.

Les effets indésirables mis en évidence, notamment hypertension artérielle et symptômes dissociatifs, concordent avec l’ensemble des connaissances actuelles.

Deux observations peuvent limiter ces résultats. Le critère de jugement principal a été défini par un score alors que l’évaluation d’un comportement (tentative de suicide, par exemple) aurait été plus rigoureuse. De plus, les patients ne sont pas comparables dans chaque groupe induisant un biais inévitable (28 % de troubles bipolaires dans le groupe kétamine versus 8 % dans le groupe midazolam).

Alors que la dépression et le suicide sont des maux communs de nos sociétés, la kétamine semble être une aide intéressante dans la prise en charge précoce de ces maladies. Une seule injection de kétamine, alors que la majorité des traitements antidépresseurs à la phase critique sont inefficaces, diminuerait sensiblement le risque suicidaire pour une durée de plusieurs semaines. De nouvelles études sont nécessaires pour valider définitivement l’utilisation de la kétamine en psychiatrie.

Sources

  1. Grunebaum MF, et al. Ketamine for Rapid Reduction of Suicidal Thoughts in Major Depression : A Midazolam-Controlled Randomized Clinical Trial. Am J Psychiatry. 2018 Apr 1;175(4):327-335. doi: 10.1176/appi.ajp.2017.17060647. Epub 2017 Dec 5. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29202655/
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