Selon les derniers résultats publiés par l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (OSNIR) [1] : 263 personnes sont décédées sur les routes en France métropolitaine au cours du mois de septembre 2021 d’accidents de voiture ou de moto 6 965 personnes ont été blessées.
Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. [2] Ces victimes d’accidents de la route dans lesquels un véhicule terrestre à moteur est impliqué, qu’elles soient conductrices, passagères ou piétons, qu’elles aient la qualité de victime directe ou indirecte, bénéficient d’une indemnisation automatique grâce à la loi du 5 juillet 1985. Le débiteur de la réparation, en pratique l’assureur de l’auteur des dommages, ne pourra pas échapper à sa dette en excipant de la force majeure, ce qui offre à la victime une protection bien supérieure à celle de l’article 1242 du Code civil. [3]
Obligation d’assurance. Pour garantir cette indemnisation, le législateur a consacré l’obligation d’assurer les véhicules terrestres à moteur. [4] Ainsi, les victimes d’accidents de la circulation sont recevables à solliciter directement auprès de l’assureur du responsable, la réparation intégrale de leurs préjudices.
Fonds de solidarité nationale. Malgré cette obligation légale, il subsiste un nombre important d’automobilistes non assurés. Aussi, et dans une logique protectionniste à l’égard des victimes, le législateur a ouvert à ces derniers la possibilité de solliciter la réparation des préjudices nés d’un auteur non identifié ou non assuré auprès du Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO). [5]
Ces victimes auront le choix entre agir amiablement et directement auprès du débiteur de l’indemnisation (§1) ou faire valoir leurs droits devant la juridiction compétente dans le cadre d’une procédure contentieuse (§2).
Il existe de plus en plus de dispositifs législatifs qui encouragent, préalablement à toute action judiciaire, un rapprochement amiable [6].
En pratique, il peut permettre un règlement rapide de l’indemnisation des victimes.
Examen médical amiable et transaction
Examen médical amiable
L’assureur diligentera, d’office ou à la demande de la victime, un examen médical amiable. Il missionne alors un médecin-conseil pour y procéder. Le médecin missionné par la compagnie d’assurance se présente comme un prestataire dont les honoraires sont fixés librement et réglés par la compagnie. Il doit exercer en libéral, justifier d’une expérience professionnelle et être diplômé d’un diplôme de réparation juridique du dommage corporel.
Déroulement
L’examen médical amiable n’est pas soumis aux règles du code de procédure civile mais à des conventions inter-assurances mises au point par les assureurs pour simplifier et accélérer la gestion et le règlement des dossiers de sinistre automobile et au respect des règles déontologiques.
Lorsque le médecin choisi par la compagnie d’assurance reçoit la mission, il instruit le dossier, adresse la convocation au blessé et l’informe qu’il peut se faire assister par un médecin de son choix.
La victime peut (doit) se faire assister d’un médecin-conseil et de son avocat.
Le jour de l’examen médical, le médecin conseil de la compagnie doit lui rappeler qu’il est missionné par la compagnie d’assurance, débuter par les commémoratifs et procéder à l’examen clinique. Il adressera son rapport à la victime, son médecin conseil et à son mandant, la compagnie d’assurance.
Le rapport
Ce rapport amiable est souvent unilatéral. Il peut aussi être amiable et contradictoire, c’est-à-dire commun et co-rédigé par le médecin conseil de la compagnie d’assurance et le médecin conseil de la victime.
Évaluation
Le rapport fixe la date de consolidation et précise pour chaque poste (temporaires et définitifs listés par la nomenclature Dintilhac [7]) son état, son évaluation et/ou son degré de gravité, aux termes d’un argumentaire motivé.
Consolidation
Elle correspond au moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent, autrement dit à la stabilisation de la victime.
Indemnités provisionnelles
En cas de non-consolidation, il adressera un rapport provisoire avec des conclusions prévisionnelles. Le débiteur de l’indemnisation proposera alors à la victime une indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation définitive de son préjudice, dont le montant dépend des frais exposés (pièces justificatives à l’appui) et/ou des conclusions prévisionnelles.
Liquidation définitive et procès-verbal transactionnel
Si la victime est consolidée, le médecin conseil de la compagnie d’assurance adressera un rapport avec des conclusions définitives permettant au blessé et à ses conseils de discuter de l’indemnisation de ses différents postes de préjudices. En cas d’accord sur le montant de l’indemnisation, les parties signeront une transaction.
Cas particulier des conducteurs victimes et fautifs
La procédure d’indemnisation des conducteurs responsables fautifs. Le conducteur fautif n’est pas moins victime d’un accident quand bien même ses préjudices résulteraient de son propre fait.
Si la loi française protège les victimes d’un accident de la circulation (piéton, cycliste, conducteur non responsable, passager), le conducteur responsable fautif ne peut se prévaloir des mêmes droits. Il voit son droit à indemnisation exclu en raison de sa faute de conduite. Seule solution pour lui : avoir souscrit une assurance garantie conducteur auprès de sa compagnie d’assurance.
La procédure d’indemnisation est prévue contractuellement : elle varie en fonction du contrat souscrit.
Contrairement aux victimes protégées par loi du 5 juillet 1985 qui ont droit à l’indemnisation de l’intégralité de leurs préjudices [8], le contrat d’assurance prévoit des conditions restrictives de mise en œuvre de sa garantie (plafond d’indemnisation, préjudices indemnisables limitativement énumérés, seuil minimum exigé d'atteinte permanente à l'intégrité physique et/ou psychique …).
La procédure d’indemnisation des proches de la victime
Les « victimes par ricochet »
Elles peuvent solliciter réparation des préjudices subis en raison du handicap ou du décès du blessé.
Préjudices subis par les proches du fait du handicap du blessé
En cas de survie de la victime directe, les proches peuvent solliciter l’indemnisation de leurs préjudices économiques (perte de revenus des proches et frais divers) et de leurs préjudices extrapatrimoniaux (préjudice d’affection et troubles dans les conditions d’existence).
Préjudices subis par les proches en cas de décès de la victime directe
Lorsque la victime directe est décédée dans un accident de la circulation, ses proches peuvent être indemnisés de leurs préjudices économiques (perte économique du foyer et frais d’obsèques) et d’un préjudice d’affection (préjudice moral).
Distinction préjudice d’affection et deuil pathologique
La Cour de cassation a admis qu’il y a lieu d’indemniser, en plus du préjudice moral classique, le retentissement pathologique, qui est en lui-même une maladie traumatique, et doit donner lieu à une technique d’indemnisation classique, comme pour toute victime directe. L’identification et l’évaluation d’un véritable deuil pathologique devra faire l’objet d’une expertise psychiatrique [9].
Procédures
Les victimes par ricochet peuvent choisir la procédure amiable ou la procédure contentieuse pour solliciter l’indemnisation des préjudices subis.
Les délais
Obligations de l’assureur
En cas d’accident de la circulation, la loi du 5 juillet 1985 dite loi Badinter et le Code des Assurances, imposent à l’assureur de multiples délais :
Si la victime a adressé une demande d’indemnisation, l’assureur doit lui répondre dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande pour soit présenter une offre d’indemnisation soit adresser une réponse motivée si elle conteste la responsabilité [10].
Dans le cas contraire (si la victime n’a rien adressé), l’assureur doit alors présenter une offre d’indemnisation dans un délai de huit mois à compter de la date de l’accident [11].
A compter du jour où l’assureur est informé de la consolidation de la victime (souvent à la réception du rapport d’expertise), il sera alors tenu de présenter une offre définitive dans un délai de cinq mois.
Les articles R 211-29 et suivants du Code des assurances prévoient des causes de suspension et de prorogation de ces délais.
L’article L 211-13 du Code des assurances et L 211-14 prévoient les sanctions applicables à l’assureur en cas de non-respect de ces délais.
L’assureur a un mois pour payer les sommes convenues à l’expiration du délai de dénonciation (article L 211-17 du code des assurances).
FGAO
Ces mêmes délais sont applicables au fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) dans ses rapports avec les victimes ou ses ayants droit. Ils courent à compter du jour où le fonds a reçu les éléments justifiant son intervention [12].
Droits de la victime
De son côté, la victime d’un accident de la circulation dispose des délais suivants pour agir ou se rétracter :
La victime d’un accident de la circulation peut demander réparation de son dommage corporel et de l’aggravation de ce dommage dans un délai de dix ans à compter de la date de consolidation (articles 2226 du Code civil et L 211-19 du Code des assurances)
La victime peut dénoncer la transaction dans un délai de quinze jours à compter de sa conclusion (article L 211-16 du code des assurances).
La procédure contentieuse
Hypothèses
La procédure contentieuse est incontournable lorsque le droit à indemnisation est contesté et qu’il faut déterminer les responsables et/ou les éventuelles fautes commises lors de la collusion, limitatives ou exclusives du droit à indemnisation.
Elle est également choisie par les victimes, en cas d’échec de la phase amiable (que l’examen médical amiable ou que l’offre d’indemnisation ne soit pas satisfactoire). La victime a alors la possibilité de saisir le Tribunal pour solliciter la désignation d’un expert judiciaire [13] inscrit près une Cour d'appel [14] et souvent corrélativement l’allocation d’une indemnité provisionnelle [15].
Enfin, les victimes peuvent recourir au juge pour fixer le montant de l’indemnisation lorsqu’il n’y a pas eu de consensus et qu’une transaction n’a donc pas pu être signée.
Expertise médicale judiciaire
L’expertise judiciaire est soumise aux articles 232 à 248, 263 à 284-1 du Code de procédure civile (qui encadrent l’échange des pièces et des observations entres les parties, la fixation et le paiement des honoraires, le déroulement des opérations d’expertises, le respect de la contradiction, l’indépendance et l’impartialité de l’expert, la forme des convocations, le respect du secret médical, etc.) et aux délais fixés par le juge (délais pour consigner les honoraires de l’expert, délais pour déposer le rapport d’expertise, …).
En fonction de ses séquelles, la victime peut solliciter une des missions types :
Mission d’expertise proposée par l’ANADAVI (ANADOC du 26 mai 2020. [16]
Mission générale d’expertise préconisée par le référentiel des Cours d'appel. [17]
Mission pour les handicaps graves AREDOC de décembre 2014. [18]
Mission d’expertise pour les traumatismes crâniens élaborée par Madame VIEUX. [19]
La victime peut également solliciter des expertises techniques (ergothérapeutique, architecturale)
Ces expertises ont toutes le même objectif : apporter un éclairage au juge ou au régleur sur le dommage corporel ainsi subi ainsi que sur ses conséquences afin de lui permettre d’évaluer les différents préjudices subis dans le respect du principe de réparation intégrale.
Le rapport
En matière judiciaire notamment, les postes de préjudices sont discutés contradictoirement après l’examen clinique entre tous les conseils (médecins et avocats) et le dépôt du rapport définitif est précédé de l’envoi d’un pré-rapport en vue de recueillir les observations et dires des parties avant le dépôt au greffe d’un rapport final. Le pré rapport permet d’assurer un débat contradictoire devant l’expert aussi bien sur les documents ayant servi de fondement que sur les résultats de son évaluation.
Compétence
L’action en réparation d’un dommage corporel causé par un véhicule quelconque relève de la compétence des Tribunaux de l’ordre judiciaire [20] (peu important qu’il ait été conduit par un militaire, que la victime soit elle-même agent de l’état et qu’ils aient été tous deux dans l’exercice de leurs fonctions) [21].
Responsabilité pénale et juge pénal
L’auteur de l’accident peut être poursuivi pénalement pour atteintes involontaires à l’intégrité physique (causées par imprudence, négligence, manquement à une obligation de sécurité), faits prévus et réprimés par le Code pénal et pour infractions au Code de la route. Le juge pénal, même s’il prononce une relaxe, pourra à la demande de la partie civile ou de son assureur, accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite [22].
Accident de la circulation volontaire provoqué et commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI)
La loi du 5 juillet 1985 est applicable aux accidents involontairement provoqués [23].
Par exemple, si l’automobile a été utilisée comme arme, il ne s’agit pas d’un accident de la circulation entrant dans le champ d’application de la loi du 5 juillet 1985 mais de coups et blessures volontaires [24].
Pareillement, lorsque le dommage subi par la victime est la conséquence directe de l’action volontaire du conducteur, il s’agit de faits présentant le caractère matériel d’une infraction pénale.
A l’instar du FGAO, ces victimes, si elles justifient de graves séquelles corporelles (incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois) pourront adresser leur demande d’indemnisation à la Commission des victimes d'infractions (CIVI) [25] et être prises en charge par un fonds de solidarité nationale, le fonds de garantie des victimes d’actes de terrorismes et d’infractions (FGTI).
Lorsque les séquelles corporelles sont moins graves, les victimes d’infractions pénales pourront bénéficier du service d’aide au recouvrement des indemnités allouées par le tribunal, appelé SARVI (service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions).
Accidents de la circulation survenus à l’étranger avec des victimes de nationalité française
La loi du 5 juillet 1985 n’est pas applicable aux accidents survenus à l’étranger. Les victimes de nationalité française d’un accident survenu à l’étranger peuvent toutefois bénéficier du mécanisme de l’article 706-3 du Code de procédure pénale et saisir la CIVI [26].
Accidents de la circulation causé en France par des étrangers ou à l’étranger par des véhicules français
Dans cette dernière hypothèse, c’est le Bureau central français (BCF) qui se porte garant de l’indemnisation des victimes.
Conclusions
Les procédures d’indemnisation des victimes d’accident de la route sont multiples et complexes. Cet article n’a pas pour but d’en dresser une liste exhaustive mais simplement de présenter les plus classiques. La loi du 5 juillet 1985 a permis d’accélérer la procédure amiable d’indemnisation des victimes d’accidents de la route en imposant à l’assureur des délais, pour d’éviter les délais, souvent longs, devant les Tribunaux.
En pratique, la phase amiable répond à cet objectif de célérité et reste un bon moyen de faire indemniser la victime d’un accident de la route. Il est important de préciser que chaque accident présente des singularités et qu’aucun blessé ne se ressemble.
Pour éviter que la victime vive ces procédures comme un deuxième traumatisme, il est indispensable qu’elle ait recours à des associations d’aide aux victimes, mais également et surtout, qu’elle se fasse accompagner par un avocat spécialisé dans la réparation du préjudice corporel.
Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation.
Article 2 Loi du 5 juillet 1985, N°85-677
Art. L 211-1 et suivants du Code des assurances.
Régis par les articles L421-1 à 421-14 et R421-1à R421-20 du code des assurances.
Article 56 du Code de procédure civile, loi du 5 juillet 1985 n°85-677 ; loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, etc.
Ministère de la justice. Groupe de travail interministériel sur les traumatisés crâniens.
Anciens articles L311-10-1, R 212-8 du Code de l’organisation judiciaire ; article 45 de la loi du 5 juillet 1985 et plus largement L211-4-1 du Code de l’organisation judiciaire.
Cass. Crim 23 septembre 2014.
Article 470-1 du Code de procédure pénale.
Cass. 2e civ., 22 janv. 2004, n° 01-11.665 : « viole l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 et doit être annulé, l'arrêt de la cour d'appel qui, pour rejeter la demande d'indemnisation formée par la victime devant une Commission des victimes d'infractions, retient que le conducteur d'un des véhicules poursuivis a, sans hésitation, donné un coup de volant et percuté le véhicule qui le pourchassait, le projetant sur le véhicule conduit par la victime, que le conducteur du véhicule poursuivi n'a pu agir volontairement à l'encontre de la victime, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le dommage subi par la victime était la conséquence directe de l'action volontaire du conducteur et ne résultait pas d'un accident de la circulation ».
Civ. 2e, 6 déc. 1991, n° 88-19.990
Articles 706-3 et suivant et R 50-1 et suivants du Code de procédure pénale.