On estime qu’environ 140 millions de femmes utilisent une contraception hormonale dans le monde. En France, en 2010, 50 % des femmes de 15 à 49 ans utilisaient une pilule contraceptive, 4 % un autre type de contraception hormonale et 21 % un dispositif intra-utérin (DIU, au cuivre ou à la progestérone) [1]. Alors que des contraceptifs de nouvelle génération voient le jour régulièrement, on parle aussi beaucoup des risques potentiels qu’ils peuvent induire, et notamment du risque accru de cancer du sein.
Dans cette étude de cohorte prospective, menée au Danemark de 1995 à 2012, on a observé 1 797 932 femmes de 15 à 49 ans à partir des données issues du Danish Sex Hormone Register Study [2].
Les auteurs ont étudié le risque de cancer du sein chez les femmes en âge de procréer, utilisatrices actuelles, récentes (arrêt < 6 mois) ou anciennes (arrêt > 6 mois) d’une contraception hormonale (CH) comparé à un groupe témoin de femmes n’ayant jamais utilisé de CH.
Une large étude de cohorte
Différentes techniques de contraception hormonale (notamment certaines assez récentes) ont été étudiées : les combinaisons oestro-progestatives orales, les progestatifs oraux seuls et les techniques contraceptives hormonales non orales. Les femmes ayant un antécédent de cancer, de maladie veineuse thromboembolique ou d’infertilité ont été exclues.
Enfin, un ajustement a été réalisé sur de nombreux facteurs confondants : durée d’utilisation de la contraception hormonale, âge, année calendaire, niveau d’éducation, parité, SOPK, endométriose, histoire familiale de cancer du sein ou de l’ovaire ou encore chez les femmes ayant déjà eu des enfants, sur l’âge de la femme à la première parité, l’index de masse corporelle et le statut fumeur ou non.
Un risque de cancer du sein légèrement augmenté
Le suivi moyen a été de 10,9 ± 5,8 ans avec, pendant cette période, la survenue de 11 517 cancers du sein.
Le risque relatif (RR) chez les femmes actuelles ou récentes utilisatrices de n’importe quelle CH a été de 1,20 (intervalle de confiance à 95 % [IC] = 1,14-1,26 ; p < 0,002). Ce risque augmentait avec la durée d’utilisation : le RR, non significatif si prise pendant moins d’un an (1,09, IC = 0,96-1,23), a été significatif à partir de cinq ans de prise (RR = 1,24 ; IC = 1,15-1,34 ; p < 0,002) et jusqu’à 1,38 (IC = 1,26-1,51 ; p < 0,002) après plus de dix ans de prise.
Enfin, ce risque a semblé rester significativement plus haut pendant au moins cinq ans après l’arrêt de la CH chez les patientes ayant pris une CH prolongée (≥ 5 ans). Concernant la contraception oestro-progestative combinée orale (avec l’étude de différents progestatifs), un risque augmenté de cancer du sein a été trouvé avec RR = 1,19 (IC =1,13-1,26 ; p < 0,01).
Pour la contraception progestative orale seule, le RR n’est apparu significativement plus élevé que le pour le lévonorgestrel = 1,93 (IC =1,18-3,16).
Enfin, concernant la CH non orale, le risque a été significativement plus haut uniquement avec le DIU au lévonorgestrel (RR 1.21 IC =1,1-1,33).
Il est intéressant de relever les résultats de l’étude de sous-groupes réalisée (et prévue prospectivement) qui suggère qu’une utilisation précoce de CH avant l’âge de 20 ans pourrait être associée à une augmentation plus importante du risque de cancer du sein, d’autant plus que cette population jeune est destinée à de longues années de contraception. Mais d’autres travaux sont nécessaires pour étayer et confirmer ou non ces hypothèses.
Des résultats significatifs mais pas d’extrapolation trop hâtive
Au total et malgré quelques limites (notamment l’impossibilité d’ajuster sur tous les facteurs de risque de cancer du sein), le risque de cancer du sein semble donc bien supérieur chez les femmes utilisant une contraception hormonale.
Attention, toutefois, à l’extrapolation de ces résultats. Si ce risque est augmenté de manière significative, il reste cependant très légèrement supérieur à celui déjà faible de la population des 15-49 ans n’utilisant pas de CH (un cancer du sein supplémentaire par an sur 7 690 femmes ayant une CH) et il ne doit pas faire oublier tous les bénéfices apportés par la contraception hormonale (le contrôle par la femme de sa vie reproductive, le risque réduit de cancer de l’ovaire, de l’endomètre voire du colon, les aspects pratiques dans le quotidien).
Il est donc important de peser le pour et le contre avant l’instauration de ces traitements et de respecter les indications de prescription d’une CH.
Ainsi, on pourrait essayer de retarder ou de substituer cette prise de contraceptifs hormonaux (notamment chez les jeunes filles) lorsque l’indication contraceptive n’est pas claire ou que le motif de la demande ne pèse pas suffisamment dans la balance bénéfice/risque (acné ? cycles menstruels irréguliers ?).
Enfin, discuter avec les femmes de l’utilisation de techniques contraceptives non hormonales comme le DIU au cuivre pourrait être une solution supplémentaire bénéfique.
Sources
Dr Marion AUPOMEROL, http://www.mediamed.org/medg/