Avec six collégiens sur dix déclarant avoir déjà bu au moins une fois une boisson alcoolisée au cours de leur vie, l’alcool est la première substance psychoactive expérimentée à l’adolescence.
Les usages excessifs, polyconsommations, alcoolisation ponctuelle importante, régulière et précoce, sont susceptibles de perturber la scolarité, l’avenir socioprofessionnel, la santé et le développement émotionnel de nos adolescents. Le point avec le Docteur William Lowenstein*, Président de SOS addictions, interniste et addictologue.
Pourquoi la prévention de l’alcoolisme chez les jeunes pèche-t-elle en France ?
La plupart des enfants connait sa première consommation d’alcool lors d’une fête de famille.
A ma connaissance, c’est la seule drogue qui soit initiée par les parents.
En outre, la consommation de vin est culturelle. Notre pays a toujours fait passer l’économie viticole avant la santé de sa population, sauf pendant la récente crise sanitaire. Or, le degré d’alcool n’est pas mentionné sur les bouteilles de vin pour indiquer la météo !
Pourquoi les jeunes tombent-il dans l’excès ?
A l’adolescence, la drogue la plus accessible, qui de plus est légale, c’est l’alcool, avec une efficacité « défonce » indéniable.
Et certains jeunes vont tomber dans le binge drinking qui consiste à s’alcooliser le plus rapidement possible, de manière ponctuelle, jusqu’à perdre le contrôle et parfois même, faire une overdose d’alcool (ou encore un coma éthylique).
Mettre l’accent sur l’alcoolisation des jeunes, c’est se focaliser sur la pointe d’un iceberg qui est connu, mais que la société ne veut pas réellement voir émerger. Sans une vraie volonté de changer les choses, le problème demeurera.
Comment prévenir cette alcoolisation express ?
La prévention initiale est fondamentale. Les parents doivent dire à leurs enfants : tu feras ce que tu voudras quand tu seras grand mais pour l’instant, ce n’est pas moi qui vais te donner à boire.
Si les adolescents boivent, ils ne doivent pas se mettre en danger et perdre le contrôle.
Et pour ceux qui en sont incapables, les parents doivent s’assurer qu’ils soient bien entourés, par de bons copains plus raisonnables, qui pourront alerter les pompiers, le SAMU et leurs parents, au cas où.
Les parents ne peuvent pas laisser les adolescents, face à l’alcool, dans leur propre maison ou à l’extérieur, sans savoir où ils sont ni avec qui.
Quelles sont les conséquences pour la santé des jeunes ?
L’alcool est toxique pour le cerveau et diminue le volume cérébral.
Plus son usage est précoce, plus il sera dangereux, avec de possibles destructions cellulaires.
Là où le cannabis entrainera des perturbations fonctionnelles dans des régions spécifiques, tel le récepteur de cannabis, l’alcool est une drogue sale qui arrose tout le cerveau et tue des cellules.
Heureusement, grâce à la neuroplasticité, tous les dégâts ne seront pas irréversibles. L’alcool est donc susceptible de modifier le développement cérébral entre 13 et 20 ans.
Plus un usage sera précoce, plus les risques d’abus et de dépendance seront élevés. Retarder l’âge du premier usage s’avère donc fondamental.
*Président de SOS additions, interniste et addictoloque, William Lowenstein a co-écrit avec le Docteur Laurent Karila du livre « Tous addicts, et après ? » chez Flamarion.
Sources
Enquête nationale en collège et en lycée chez 20 000 adolescents sur la santé et les substances (EnCLASS) a été développée par les équipes de recherche françaises référentes des enquêtes internationales Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) et European School Survey Project on Alcohol and other Drugs (ESPAD) en 2018. Auteurs : Stanislas Spilka, Emmanuelle Godeau (EHESP), Olivier Le Nézet, Virginie Ehlinger (Inserm UMR 1027), Eric Janssen, Alex Brissot, Antoine Philippon, Sandra Chyderiotis, https://www.ofdt.fr/enquetes-et-dispositifs/enquete-enclass/