Douleurs post-opératoires : tout savoir sur la prise en charge des soins post-opératoires

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La douleur, du latin "dolor", est définie par The International Association for the Study of Pain comme une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle, ou décrite en termes évoquant une telle lésion.

La première étape consiste à caractériser la douleur. Elle peut être aiguë ou chronique, spontanée ou provoquée, discrète ou intense, invalidante ou d’alerte (réflexe) mais elle est avant tout personnelle, subjective, émotionnelle et comportementale.

Toute la complexité de l’étude de la douleur réside dans l’absence d’objectivité de ce critère avec un vécu, un ressenti, une signification différente pour chacun d’entre nous. La deuxième étape consiste à apporter une réponse adaptée à cette douleur.

Patient en consultation avec son médecin

Définition : c'est quoi une douleur post-opératoire ?

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Un acte chirurgical est par essence désagréable et peut entrainer des douleurs pendant et après l’opération. Il est possible de dichotomiser cette entité nosologique en douleur post opératoire aiguë et douleur post opératoire chronique.

La douleur post opératoire aiguë est présente immédiatement après l’opération, provoquée par les lésions induites par la chirurgie (section et dissection de la peau ou des muscles, gaz administré lors de la cœlioscopie, etc.) et par l’anesthésie (mise en place de la sonde d’intubation oro-trachéale, cathéter). Elle est donc essentiellement le fruit de lésions d’organes par un processus inflammatoire (cascade de médiateurs l’inflammation déclenchée par le stress chirurgical) qui entraine un excès de nociception (réaction des récepteurs sensitifs). A un moindre degré, elle peut être neuropathique ou mixte.

La douleur post opératoire chronique persiste à distance de la chirurgie. Elle est fréquente et intéresserait plus de 40% des patients après une opération. Parmi ces 40%, près de la moitié des patients décrivent une douleur modérée à sévère [1].

La douleur post opératoire chronique dépend de plusieurs critères [2] que sont :

  • la présence d’une douleur pré opératoire sur le site concerné ;
  • la présence d’une douleur chronique pré opératoire ;
  • la présence d’un syndrome dépressif / burn out dans les 6 mois précédents ;
  • la présence de facteurs de risques (stress, trouble du sommeil, anxiété, catastrophisme, consommation d’opiacés au long cours…) ;
  • l’intensité de la douleur post opératoire ;
  • le ressenti du patient concernant sa récupération après l’opération.

Ainsi, plus le nombre de critères est important, plus le patient est à risque de développer une douleur chronique. Par exemple, un patient qui posséderait 3 de ces critères aurait 68% de risque de développer une douleur chronique en post opératoire.

De plus, la douleur chronique dépend aussi du caractère invasif de la chirurgie, de la durée de la chirurgie, du traitement de la douleur aiguë et du sexe (les patientes sont majoritairement touchées). La douleur chronique est souvent mixte avec des composantes neuropathiques et nociceptives.

Durée de la douleur après une opération : combien de temps dure une douleur post-opératoire ?

Comme nous l’avons vu précédemment, la douleur post opératoire dépend de très nombreux critères. Il n’est probablement pas possible de proposer une durée moyenne de douleurs post opératoire.

Dans les congrès de douleur chronique, il est admis qu’une douleur est chronique lorsqu’elle dure plus de 3 à 6 mois malgré un traitement antalgique bien conduit.

Les recommandations américaines (American Medical Association) définissent une douleur chronique comme la consommation de médicaments dispensés sur ordonnance au-delà de la durée recommandée et/ou un abus ou une dépendance à l'égard de ces médicaments. Il est important de comprendre qu’une douleur chronique est une urgence diagnostic et thérapeutique par le cercle vicieux douleur-isolement qu’elle entraine.

Ainsi, il est important de comprendre qu’une douleur qui persiste plusieurs semaines ou mois après une opération nécessite une prise en charge spécifique par des professionnels de santé formés pouvant apporter une réponse adaptée aux besoins du patient.

Quelle opération est la plus douloureuse ?

D’après les études sur le sujet, les deux chirurgies les plus pourvoyeuses de douleur en post opératoire sont la chirurgie mammaire (notamment la chirurgie plastique pour les patientes qui subissent une pose de prothèse mammaire) et la chirurgie thoracique [3].

Plus que la chirurgie thoracique au sens large, c’est principalement l’abord par thoracotomie qui est mis en cause. Une thoracotomie consiste en un abord chirurgical thoracique de plusieurs centimètres nécessitant une dissection minutieuse des muscles, nerfs, artères et veines intercostaux par le chirurgien.

En plus de la section de tissus indispensable au passage, pendant toute la durée de la chirurgie, il est mis en place des écarteurs permettant une meilleure exposition visuelle mais source de traumatismes dans les régions adjacentes. Bien qu’une absence de douleur soit peu envisageable en contexte chirurgical, il est possible de limiter au maximum ces douleurs.

Ainsi, des procédures moins invasives sous vidéo thoracoscopie ont été développées. De plus, des techniques d’anesthésie loco régionale comme l’anesthésie péridurale peuvent être proposées comme moyens de lutte contre les douleurs précoces post opératoire.

Quels sont les signes d'une infection post-opératoire ?

Une infection post opératoire ou infection de site opératoire est une infection nosocomiale se déclarant dans les suites d’une opération. Les signes locaux d’infection sont la chaleur, la rougeur et la douleur.

Associés à ces signes locaux, des symptômes généraux à type de fièvre peuvent survenir ainsi qu’un syndrome inflammatoire biologique sur le bilan sanguin.

L’infection est le plus souvent causée par une bactérie qui contamine le site opératoire pendant l’opération. L’infection post opératoire doit être rapidement diagnostiquée et nécessite la mise en place d’un traitement antibiotique.

Prise en charge de douleur : quel anti-douleur prendre après une opération ?

La prise en charge de la douleur en post opératoire repose sur l’analgésie multimodale. En matière d’antalgie, le principal critère de jugement utilisé dans les études est l’épargne journalière de comprimés de morphine. En association avec la mesure de la douleur par une échelle visuelle analogique ou une échelle numérique, les auteurs de ces études recherchent le meilleur critère pour quantifier la douleur.

Dans une méta-analyse récente diligentée par le Docteur Belœil publiée dans le British Journal of Anesthesia (4), la meilleure association de traitements en post opératoire était la combinaison de paracétamol, d’inhibiteur de la recapture des monoamines (néfopam) et anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).

La prescription d’opioïdes de type morphine est à envisager devant toute chirurgie avec une intensité de la douleur élevée. Cette prescription d’opioïdes doit se limiter au maximum à la prescription à la période post opératoire précoce.

Les voies d’administration sont multiples. Une titration morphinique intra veineuse réalisée en salle de réveil suivi d’une administration par pompe à morphine ou par dose d’entretien orale est fréquente. Il est indispensable de noter que ces médicaments sont sources d’effets secondaires graves et sont donc prescrits sous la responsabilité du chirurgien ou du médecin anesthésiste. La surprescription de morphine et de ses dérivés est à l’origine d’un problème de santé publique majeur de surconsommation dont souffrent les États-Unis actuellement.

Comment soulager une douleur aigüe ou chronique post-opératoire ?

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La prise en charge de la douleur aiguë en post opératoire est débutée avant même la fin de la chirurgie puis dispensée en salle de réveil ou salle de surveillance post intervention chirurgicale.

Après prescriptions par les médecins anesthésistes, les infirmiers et infirmières administrent des médicaments classés en trois paliers selon leur puissance. Le palier I correspond au paracétamol, au néfopam et aux anti-inflammatoires non stéroïdiens. Le palier II rassemble les opioïdes faibles (le tramadol et la codéine). Le palier III comprend tous les agonistes morphiniques.

Le traitement de la douleur aiguë repose sur une combinaison d’antalgiques médicamenteux (association palier I et II, I et III), psychiques (empathie avec possibilité de réaliser de l’hypnose conversationnelle) et éventuellement d’analgésie loco-régionale (réalisation d’un bloc nerveux sous échographie). Afin d’optimiser le traitement de la douleur, chaque prise en charge est individualisée selon l’évaluation personnelle de la douleur, le type de chirurgie et la tolérance des médicaments.

La douleur chronique post opératoire est fréquente et nécessite une prise en charge spécialisée. Le principal traitement consiste à la prévention du syndrome douloureux chronique en identifiant les patients à risque de développer ce type de douleur. La consultation d’anesthésie réalisée en amont de l’opération permet de rechercher tous les facteurs de risques de douleurs chroniques. Le traitement de la douleur chronique doit être adapté au type de douleur.

Ainsi une douleur principalement inflammatoire repose sur une analgésie multimodale associant la prescription d’antalgiques des 3 paliers sus cités. En revanche, une douleur neuropathique nécessite une prise en charge plus spécialisée. L’analgésie loco régionale permettant des infiltrations d’anesthésiques locaux sous contrôle échographique est en plein essor dans le traitement des douleurs chroniques avec cependant une place qui mérite d’être précisée pour être incorporée dans les algorithmes actuels.

Quel traitement contre la douleur neuropathique ?

La douleur neuropathique est complexe. Elle est essentiellement chronique, caractérisée par un déficit sensitif associé à une sensation désagréable. L’identification des patients à risque de douleur chronique et notamment de douleur neuropathique est en enjeu majeur pour les médecins anesthésistes.

En post opératoire immédiat, une douleur précoce neuropathique mérite une prise en charge en urgence car elle est à très haut risque de développer une douleur chronique. Des questionnaires ont été développé afin de dépister une douleur neuropathique avec une spécificité et une sensibilité acceptable (questionnaire DN4) [5].

Le traitement de la douleur neuropathique repose sur le principe de l’analgésie post opératoire multimodale habituelle (antalgiques de paliers I, II, III) associée à d’autres molécules comme antagoniste NMDA (kétamine qui diminue le risque d’hyperalgésie), agoniste alpha 2 (clonidine), gabapentinoide (prégabaline, gabapentine), les antidépresseurs tricycliques ou les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine ainsi que les antiépileptiques. La prescription de ces médicaments est largement encadrée pour éviter les dérives. Des diplômes universitaires de médecine de la douleur existent pour proposer un approfondissement des connaissances aux praticiens qui le souhaitent.

Hypnose et douleur post-opératoire 


La douleur est une expérience multisensorielle subjective. L’hypnose, notamment conversationnelle, grâce à une approche différente du simple médecin prescripteur peut permettre de créer une relation de confiance médecin-patient.

En utilisant des processus de focalisation, la gestion de la douleur par une personne tierce de l’équipe soignante peut permettre une meilleure tolérance de la douleur par les patients et patientes.

En salle de réveil, des infirmières formées à la pratique de l’hypnose peuvent participer à cette thérapie conjointement à l’administration des thérapeutiques habituelles. L’hypnose est pratiquée quotidiennement au bloc opératoire et a fait l’objet d’un article récent au sein de notre site internet.

La douleur est une expérience personnelle multidimensionnelle. La prise en charge d’une douleur requiert la plus grande attention des équipes médicales et paramédicales afin de soulager le patient et de prévenir l’apparition d’une douleur chronique. Des réponses psychologiques, médicamenteuses ou chirurgicales peuvent être apportées pour chaque type de douleur post opératoire dans l’objectif de favoriser un retour à domicile précoce et confortable.

Sources 

  1. Johansen A, Romundstad L, Nielsen CS, Schirmer H, Stubhaug A. Persistent postsurgical pain in a general population: prevalence and predictors in the Tromsø study. Pain. juill 2012;153(7):1390‑6. https://journals.lww.com/
  2. Althaus A, Hinrichs-Rocker A, Chapman R, Arránz Becker O, Lefering R, Simanski C, et al. Development of a risk index for the prediction of chronic post-surgical pain. Eur J Pain. juill 2012;16(6):901‑10. https://onlinelibrary.wiley.com/
  3. Haroutiunian S, Nikolajsen L, Finnerup NB, Jensen TS. The neuropathic component in persistent postsurgical pain: a systematic literature review. Pain. janv 2013;154(1):95‑102. https://journals.lww.com/
  4. Beloeil H, Albaladejo P, Sion A, Durand M, Martinez V, Lasocki S, et al. Multicentre, prospective, double-blind, randomised controlled clinical trial comparing different non-opioid analgesic combinations with morphine for postoperative analgesia: the OCTOPUS study. Br J Anaesth. juin 2019;122(6):e98‑106. https://www.sciencedirect.com/
  5. Bouhassira D, Attal N, Fermanian J, Alchaar H, Gautron M, Masquelier E, et al. Development and validation of the Neuropathic Pain Symptom Inventory. Pain. avr 2004;108(3):248‑57. https://journals.lww.com/
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